« Brigitte Bardot a créé BB à travers le regard des hommes » déclare Mélanie Toubeau
La star a vécu plusieurs vies qui la font considérer de façons très différentes
La mort de Brigitte Bardot marque la fin d’une légende du 7e Art, de l’icône BB qui a remplacé dans l’inconscient collectif la femme qu’elle a été. C’est cela être une légende : comme Marilyn Monroe, Brigitte Bardot est connue même par les gens qui n’ont pas vu ses films. A la différence de la star américaine, elle a survécu à sa carrière et la deuxième partie de sa vie est largement plus controversée.
« Elle fait penser au portrait de Dorian Gray, analyse Mélanie Toubeau, créatrice du site La Manie du cinéma et autrice de l’excellent livre Une histoire de cinémas, paru aux éditions chez Webedia Books. D’un côté, on a son image de star au physique de rêve, de l’autre son image vieillissante, défenseuse des animaux mais aigrie, condamnée pour ses positions à l’extrême droite ». Ces deux Brigitte, à l’instar de Gainsbourg et Gainsbarre ou de Renaud et Renard, sont indissociables de ce que représente Brigitte Bardot.
BB, une femme pas si libre
Mélanie Toubeau, trentenaire cinéphile a découvert Brigitte Bardot dans Le Mépris de Jean-Luc Godard. « J’étais très jeune et j’ai détesté le film en grande partie à cause de Bardot, se souvient-elle. Pour moi qui construisais alors mon féminisme, elle représentait ce que je détestais : une femme objet mise au service du « male gaze », le regard masculin. Elle a créé BB à travers le regard des hommes ». Pourtant, pendant longtemps, Brigitte Bardot a été synonyme de liberté voire de libération de la femme. « Elle montrait une femme libérée telle que la rêvent les hommes, insiste l’autrice. Elle projetait une image enfantine et hypersexualisée qui ne se déshabillait pas par choix ni par envie mais pour attirer les hommes ». Le choix, Brigittte Bardot ne l’a pas vraiment connu. Poussée par ses parents vers une carrière qu’elle n’a pas souhaitée puis prise en mains par des cinéastes qu’ils l’ont modelée, elle a vécu la célébrité et l’hypermédiatisation comme un cauchemar que décrit fort bien le film Vie privée de Louis Malle.
« Les seules décisions qu’elle semble avoir prises sont d’arrêter le cinéma à 39 ans, puis de s’engager à fond pour les animaux, un domaine pour lequel on ne peut que l’admirer, insiste Mélanie Toubeau. Il est dommage que ses prises de paroles xénophobes et homophobes soient venues tout gâcher. C’était sans doute les mots d’une femme qui n’a jamais pu s’épanouir mais cela n’excuse rien ». La star a différemment marqué les générations : les plus âgés se souviennent de la gamine dansant devant la caméra de Roger Vadim et les plus jeunes pensent plus à la sympathisante d’extrême droite. « De l’icône, elle a la dimension sur papier glacé d’une silhouette qui n’existait que devant les objectifs, précise Mélanie Toubeau. Elle a été une influenceuse influençable qui a montré une certaine forme de liberté ». Elle a ouvert la porte à d’autres femmes sans l’avoir cherché mais a aussi soutenu des idées nauséabondes.