Dermatose nodulaire : ce que l'on sait de l'arrestation d'un agriculteur mis en joue par les forces de l'ordre à Auch
SOURCE:France Info
Des policiers ont braqué leur arme sur un agriculteur au volant de son tracteur, samedi soir, lors d'une manifestation dans le Gers. "Une ligne rouge a été franchie", condamne la Coordination rurale.
Des policiers ont braqué leur arme sur un agriculteur au volant de son tracteur, samedi soir, lors d'une manifestation dans le Gers. "Une ligne rouge a été franchie", condamne la Coordination rurale.
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Publié le 29/12/2025 16:25
Temps de lecture : 6min
Des agriculteurs de la Coordination rurale déversent du foin devant la préfecture du Gers, le 26 décembre 2025, à Auch. (MATTHIEU RONDEL / AFP)
La scène, filmée, provoque un vif émoi dans le monde agricole. Des CRS ont réalisé des "sommations avec sortie d'arme", samedi 27 décembre au soir, lors d'une manifestation à Auch (Gers), après qu'un agriculteur a aspergé avec du fumier la façade d'une agence du quotidien La Dépêche du Midi, selon la préfecture du Gers. La Coordination rurale, syndicat marqué à droite, a annoncé saisir l'Inspection générale de la police nationale et le procureur de la République. Voici ce que l'on sait de cette affaire.
Une manifestation contre le protocole d'abattage des troupeaux
Des agriculteurs s'étaient réunis à Auch, deux jours après Noël, pour protester contre le protocole d'abattage obligatoire imposé par le gouvernement aux troupeaux touchés par la dermatose nodulaire contagieuse. Du foin a été déversé devant la préfecture et du fumier a été aspergé sur les locaux de La Dépêche du Midi, comme le montrent les images ci-dessous, filmées le lendemain par le journal.
🚜 Une action menée par des agriculteurs de la Coordination rurale du Gers a entraîné des dégradations dans le centre-ville d'Auch, dans la nuit du 27 décembre 2025. Du fumier a notamment été déversé devant l'agence locale de La Dépêche du Midi. pic.twitter.com/DCLXFFXiW8
Pour mener cette opération d'épandage, un tracteur a été positionné en travers de la route. Des CRS sont intervenus pour demander au conducteur de "cesser son action etd'immobiliser son engin", rapporte la préfecture. "Malgré ces injonctions", l'agriculteur a entamé une manœuvre et avancé vers les policiers, les obligeant à faire des "sommations avec sortie d'arme", selon le récit des services de l'Etat.
Différentes vidéos de la scène ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Sur l'une d'elles, filmée depuis le tracteur et relayée sur Facebook par Jérôme Courrèges, président de la Coordination rurale du Gers, on entend à plusieurs reprises des policiers demander calmement à l'agriculteur d'arrêter son véhicule. "Je n'y vois rien", répond le conducteur, tout en reculant légèrement. Selon la Coordination rurale, qui dénonce une scène "lunaire", l'agriculteur "ne faisait que repositionner ses roues sur la route".
L'agriculteur a finalement arrêté le moteur de son tracteur, avant d'être interpellé et placé en garde à vue vers 23 heures. "Le calme est revenu très rapidement sur place et les manifestants présents ont rapidement engagé le nettoyage de leurs méfaits", conclut la préfecture. L'agriculteur arrêté a, lui, été relâché vers 4 heures, selon la Coordination rurale.
Une mise en joue "disproportionnée", selon la Coordination rurale
"L'irréparable a failli se produire", s'est insurgée la Coordination rurale, dimanche matin, sur X. "C'était juste un agriculteur au volant de son tracteur, qui ne représentait aucun danger. Voir des armes létales braquées sur lui pendant plusieurs secondes, c'est choquant", a dénoncé le président de la chambre d'agriculture du Gers, Lionel Candelon, sur ICI Occitanie. Pour cette figure de la Coordination rurale, une telle intervention était "disproportionnée" et "une ligne rouge a été franchie".
"J'ai peur qu'un jour, à force de ce type d'images, le respect que les paysans ont toujours eu envers les forces de l'ordre disparaisse."
Lionel Candelon, président de la chambre d'agriculture du Gers
à ICI Occitanie
"Nous allons saisir l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), ainsi que le procureur de la République, afin que cet acte inadmissible soit fermement condamné par la justice", a affirmé le syndicat, dimanche, réclamant "des excuses officielles" du gouvernement. Lundi matin, toutefois, aucun signalement n'était encore parvenu à l'IGPN, a appris franceinfo de source policière.
De son côté, la Confédération paysanne du Gers, marquée à gauche, se dit "choquée" par ces images. "Cela montre qu'on est dans un Etat qui ne sait que réprimer, qui ne sait plus dialoguer", confie à franceinfo sa secrétaire nationale Sylvie Colas. "Mais ne tombons pas dans le panneau. Notre vrai sujet, c'est la dermatose nodulaire contagieuse. L'enjeu, c'est de sauver nos élevages", ajoute-t-elle, déplorant "une récupération politique" de cet incident par des personnalités de droite et d'extrême-droite.
Les autorités défendent l'action "conforme" des forces de l'ordre
"Les forces de l'ordre sont intervenues (...) dans le respect du cadre légal, le conducteur du tracteur n'ayant pas obtempéré aux injonctions, faisant mouvement vers eux, les mettant directement en danger", a défendu le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, dimanche, sur X. "Aucune expression violente ne peut être acceptée" dans le cadre des manifestations agricoles, a-t-il insisté, tout en soulignant que "de nombreuses manifestations spontanées ont pu se dérouler sans être entravées".
La procureure d'Auch, Clémence Meyer, a fait savoir qu'"aucune enquête" n'avait été ouverte à son initiative contre les CRS présents lors de l'incident. "Les conditions dans lesquelles les policiers ont sorti leurs armes sont conformes au cadre légal", a-t-elle affirmé à franceinfo, lundi. Une lecture des faits partagée par Laurent Bohé, avocat spécialiste de la défense des forces de l'ordre, sur BFMTV. "On voit qu'on a une personne qui n'obtempère pas aux injonctions des policiers. (...) Le moyen qui a été trouvé par ce commissaire de police et certains de ses collègues était la bonne solution", a-t-il exposé, rappelant la dangerosité potentielle d'un tracteur.
Le préfet du Gers, Alain Castanier, a dit comprendre "l'émotion" suscitée par la scène, tout en nuançant sa gravité. "Dans l'espèce, ça a duré trois secondes. Dès que [l'agriculteur] a coupé le moteur, les armes ont été rangées. Il n'y a eu aucune violence". Face aux "situations très difficiles" de nombreux agriculteurs du département, le préfet assure "comprendre les manifestations", mais "pas les dégradations".