"Les autorités russes disent tout et son contraire" : cinq questions après l'attaque présumée de drones ukrainiens sur une résidence de Vladimir Poutine | Retrui News | Retrui
"Les autorités russes disent tout et son contraire" : cinq questions après l'attaque présumée de drones ukrainiens sur une résidence de Vladimir Poutine
SOURCE:France Info
Le Kremlin accuse Kiev d'avoir envoyé "91 drones" sur une résidence présidentielle. Mais l'absence de preuve rend les experts et les Européens dubitatifs. Ils y voient une tactique du président russe pour faire achopper les discussions sur un plan de paix.
"Les autorités russes disent tout et son contraire" : cinq questions après l'attaque présumée de drones ukrainiens sur une résidence de Vladimir Poutine
Le Kremlin accuse Kiev d'avoir envoyé "91 drones" sur une résidence présidentielle. Mais l'absence de preuve rend les experts et les Européens dubitatifs. Ils y voient une tactique du président russe pour faire achopper les discussions sur un plan de paix.
France Télévisions
Publié le 30/12/2025 19:02 Mis à jour le 30/12/2025 21:14
Temps de lecture : 7min
Le président russe, Vladimir Poutine, lors d'une réunion consacrée à la guerre en Ukraine, à Moscou (Russie), le 29 décembre 2025. (MIKHAIL METZEL / AFP)
Que s'est-il passé dans la région russe de Novgorod ? La Russie a accusé l'Ukraine, lundi 29 décembre, d'avoir lancé la nuit précédente une attaque de drones sur l'une des résidences du président russe, Vladimir Poutine, sans fournir de preuve. En réponse, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a immédiatement qualifié cette accusation de "mensonge" destiné à préparer de nouvelles attaques contre son pays. De quoi semer le doute sur la poursuite des intenses tractations diplomatiques en cours pour tenter de trouver une issue au conflit.
En mai 2023, le gouvernement russe avait déjà accusé l'Ukraine d'avoir visé les appartements de Vladimir Poutine au Kremlin avec deux drones, sans faire de dégâts. Les Ukrainiens avaient alors vigoureusement démenti. Franceinfo répond aux questions qui se posent après cette attaque présumée.
1 De quoi la Russie accuse-t-elle l'Ukraine ?
La Russie affirme que des drones ukrainiens ont visé une résidence de Vladimir Poutine lundi au petit matin. L'armée russe "a repoussé une attaque terroriste menée par le régime de Kiev contre la résidence du président de la Fédération de Russie dans la région de Novgorod", située dans le nord-ouest du pays. Le communiqué du ministère de la Défense russe publié sur fait état de . La résidence présidentielle, située à Valdaï, entre Moscou et Saint-Pétersbourg, est hautement sécurisée et dotée de nombreux lance-missiles, rapporte .
L'accusation a été reprise par le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, également sur Telegram, sans fournir d'images ou de détails supplémentaires. Cet assaut risque de causer des "représailles", a-t-il prévenu. Et si Moscou ne compte pas se "retirer du processus de négociations [sur un plan de paix] avec les Etats-Unis", "la position de la Russie sera révisée", a-t-il ajouté.
2 Quelle a été la réaction ukrainienne ?
Le gouvernement ukrainien, qui effectue régulièrement des frappes de drones à l'intérieur de la Russie, a immédiatement démenti lundi toute attaque contre la résidence de Vladimir Poutine. "Encore un mensonge de la Fédération de Russie", a aussitôt dénoncé Volodymyr Zelensky lors d'un échange virtuel avec des journalistes. "Ils ne veulent pas mettre fin à la guerre", a-t-il à nouveau déclaré, ajoutant que Moscou "prépare simplement le terrain pour mener des frappes, probablement sur la capitale, et probablement sur des bâtiments gouvernementaux". Mardi, le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Andriï Sybiga, a souligné que Moscou n'avait "toujours pas fourni de preuves plausibles" au sujet de l'attaque.
Le président ukrainien a enfoncé le clou, précisant que "(son) équipe de négociation a pris contact avec l'équipe américaine et ils ont examiné les détails. Nous savons qu'il s'agit d'une mise en scène. Et nos partenaires peuvent toujours le vérifier grâce à leurs capacités techniques".
3 Que s'est-il réellement passé ?
L'absence de photographies laisse les experts et les diplomates occidentaux dubitatifs. "Il n'existe aucune preuve solide" pour étayer les accusations russes, estime ainsi l'entourage d'Emmanuel Macron auprès de la rédaction internationale de Radio France et France Inter. Interrogé pour savoir si la Russie dispose de preuves matérielles, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a botté en touche et répondu que la question des débris relevait du ministère de la Défense. "Les autorités russes (...) disent tout et son contraire sur ce qui s'est réellement produit, notamment sur le nombre de vecteurs et les régions visées", ajoute l'entourage du président de la République.
Un post Telegram du média indépendant russe Mozhem Obyasnit pointe, lui aussi, les "incohérences" de la version russe, notamment sur la direction de provenance des drones. Le média a par ailleurs interrogé "14 habitants de la région de Novgorod" et affirme qu'aucun n'a "reçu de SMS concernant la menace de drones" ou "entendu ni les bruits caractéristiques des drones en vol ni d'explosions lors de leur interception".
L'Institut pour l'étude de la guerre (ISW), une ONG américaine, estime de son côté que "cette frappe présumée ne correspond pas" aux frappes ukrainiennes en Russie, notamment à cause de l'absence de "preuves accessibles au public", comme des images "d'opérations de défense aérienne, d'explosions, d'incendies ou de panaches de fumée à proximité des cibles".
4 Comment les Etats-Unis ont-ils réagi ?
L'accusation russe est intervenue au lendemain d'une rencontre en Floride entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump pour discuter du plan de paix soumis par les Etats-Unis. "Je n'aime pas ça. Ce n'est pas bon", a réagi le chef d'Etat américain lundi soir depuis sa résidence de Mar-a-Lago, à Palm Beach. "Vous savez qui m'en a parlé ? Le président Poutine", a-t-il déclaré devant la presse. "C'est une période délicate. Ce n'est pas le bon moment", a ajouté Donald Trump, jetant un froid sur les négociations en cours.
De leur côté, les Européens n'ont pas officiellement réagi, mais plusieurs dirigeants, dont le Premier ministre polonais, Donald Tusk, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le chancelier allemand, Friedrich Merz, se sont entretenus lors d'une réunion mardi.
5 Quelles peuvent être les conséquences ?
Les négociations en cours autour d'un plan de paix, déjà complexes, risquent de devenir encore plus délicates après cette affaire. "Les conséquences se traduiront par un durcissement de la position de négociation de la Fédération de Russie", a notamment déclaré mardi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. La réponse ne "sera pas diplomatique" a affirmé de son côté la porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe, Maria Zakharova, rapporte Al Jazeera, sans détailler pour autant quelles pourraient être les cibles militaires de la Russie.
Lundi, le président ukrainien avait affirmé que les Etats-Unis avaient proposé des garanties de sécurité "solides" pour son pays dans le cadre du plan de paix, durant une période de quinze ans prolongeable. Il a ensuite accusé Moscou de vouloir "saper" les discussions en cours. Un point de vue partagé par de nombreux spécialistes. "Le Kremlin pourrait avoir l'intention d'utiliser cette frappe pour justifier son rejet de toute proposition de paix", estime l'ISW.