Mort de Brigitte Bardot : la défense de la cause animale, la grande affaire de sa vie
SOURCE:France Info
La protection des animaux aura été la raison d'être de la star française, disparue dimanche à l'âge de 91 ans. Cette vocation a littéralement donné un sens à sa vie.
"En donnant ma vie aux animaux, ce sont eux qui m'ont sauvée", avouait Brigitte Bardot au magazine Vogue en 2021. "Ils ont donné un sens à mon existence, un sens tellement important qu'il n'a plus jamais été question par la suite de mettre fin à mes jours [l'ancienne comédienne a tenté de se suicider quatre fois]. Ils m'ont apporté la vérité, l'amour vrai." Cette icône française, morte dimanche 28 décembre à l'âge de 91 ans, laisse une empreinte indélébile, et pas seulement sur la pellicule. Depuis les années 1970, l'artiste a consacré pleinement son existence à la défense de la cause animale et n'a reculé devant rien pour se faire entendre.
Ces dernières années, Brigitte Bardot s'en était de nouveau prise au président de la République, Emmanuel Macron. Elle lui reprochait, cette fois-ci, "(son) pacte avec les chasseurs" et le fait d'avoir "accepté le sacrilège rentable de créer un nouveau marché avec le Japon en envoyant 1 000 chevaux par an, par avion et vivants, dans d'atroces conditions pour en faire des sushis"."Je pense que cette lettre, que je vous adresse avec tout mon mépris, vous fera peut-être réagir et prendre conscience de votre inutilité et de votre lâcheté", écrivait-elle au chef de l'Etat français le 26 avril 2023.
Cette attitude agressive, souvent décriée et qui lui a valu de multiples ennuis judiciaires, elle s'en était parfaitement expliquée il y a quelques années. "On n'a jamais fait la guerre en souriant, il faut être dur, ferme, savoir ce qu'on veut et aller jusqu'au bout des choses... Mais quand je ne fais pas la guerre, je suis la femme la plus souriante et la plus heureuse du monde...",précisait-elle à Allain Bougrain-Dubourg dans un entretien en 1982.
Cette déclaration de guerre, elle l'a faite par amour pour ceux qu'elle estime sans défense. _"_Petite, j'essayais de sauver les souris que mon père assommait dans la cave à coups de râteau. Je tentais de les réanimer pour les remettre dans le jardin. Vous pensez bien qu'elles mouraient les unes après les autres, ce qui me désespérait totalement. J'avais déjà en moi, à l'époque, ce besoin de sauver les êtres en détresse. Mais sans vraiment le formuler", expliquait-elle à Vogue.
Sa vocation s'incarne dans la Fondation Brigitte-Bardot (FBB) qu'elle lance officiellement en 1987, après une première tentative infructueuse en 1976. La structure devient d'utilité publique en 1992. Se confiant , Brigitte Bardot estimait qu' (elle n'avait) Analyse d'activiste, car la présidente de la FBB a remporté de belles batailles. Retour sur quelques-unes d'entre elles.
"en cinquante ans de combat contre la maltraitance animale,
obtenu que des miettes".
Le 5 janvier 1962, dans "Cinq colonnes à la une", qui est alors le magazine d'actualités le plus regardé du petit écran, elle dénonce les conditions d'abattage des animaux. À l'époque, sa démarche est déjà pionnière. "On leur coupe la gorge et le sang s'écoule, entraînant la mort. Ça dure quelquefois trois, quatre ou cinq minutes", affirme-t-elle face caméra alors que son visage occupe tout l'écran. "Et pendant ces trois, quatre ou cinq minutes, la bête est vivante et souffre. Alors, j'ai su ça tout à fait par hasard." Et de poursuivre : "Notre but, c'est de faire passer un décret qui interdise la tuerie sans anesthésie." L'étourdissement, avant l'abattage, sera rendu obligatoire en 1964 par décret en France grâce au plaidoyer de la star qui réussit à convaincre Roger Frey, alors ministre de l'Intérieur.
La décision de la comédienne de se consacrer entièrement à la défense des animaux a été immortalisée par le photographe Jacques Esparbié de La Dépêche du Midi qui suit, en 1973, l'actrice sur le tournage de L'Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse-Chemise de Nina Companeez. Sur le plateau, comme elle le raconte elle-même dans le documentaire Brigitte Bardot : le serment fait aux animaux (2019) signé Rachel Kahn et François Chaumont, son attention est attirée par une figurante. Cette dernière transporte une chèvre et déclare qu'elle finira en méchoui pour la communion de son petit-fils. Brigitte Bardot "n'a fait qu'un bond, s'est emparée de la chèvre et elle est partie", raconte Jacques Esparbié au magazine "20h30 le samedi". Elle achète l'animal à sa propriétaire et l'adopte. La chèvre est baptisée Colinette.
C'est sur ce même tournage qu'elle rendra publique la grande résolution de sa vie : "Je veux passer mon temps à m'occuper de la défense animale. Et je crois que j'aurai beaucoup de travail. C'est pour ça qu'il vaut mieux que je ne fasse plus de cinéma". À 38 ans et après 51 films, son temps, elle veut désormais l'employer à défendre les semblables de Colinette et tous les autres. "Cette photo est formidable. La sorcière mangeuse de chèvres et la fée des animaux qui sauve Colinette. C'est symbolique. C'est le tournant de ma vie, et vous étiez là au bon moment", écrira-t-elle plus tard au photographe.
"Bien évidemment, précise-t-elle dans Vogue à ceux qui associent son engagement à l'anecdote, je n'ai pas quitté le monde du cinéma uniquement à cause de cette petite chèvre, qui en valait la peine du reste. Il y avait plein d'éléments qui m'attiraient davantage vers la protection animale que vers le cinéma, depuis un bon moment déjà."
Pour protester contre le massacre des bébés phoques au Canada, Brigitte Bardot se rend sur la banquise de Blanc-Sablon, en mars 1977, avec l'écologiste suisse Franz Weber qui souhaite dénoncer la pratique. La presse est au rendez-vous et ce combat deviendra l'un des plus emblématiques de la star. Les images des corps ensanglantés des bébés phoques font le tour du monde. Tout comme le cliché où Brigitte Bardot tient l'un d'eux dans les bras.
En France, l'action de BB convainc le président Giscard d'Estaing, qui interdit l'importation de ces fourrures en France. La Communauté économique européenne (CEE, ancêtre de l'Union européenne) adopte une directive dont le but est similaire. Lors du 20e anniversaire de sa fondation, Brigitte Bardot montre les images de son mémorable coup d'éclat. "C'est peut-être pour ça que je suis devenue aussi sauvage, aussi méfiante (envers) l'être humain", dira-t-elle alors en les commentant.
En décembre 1982, Antenne 2 lui rend un hommage inédit. La programmation comprend un entretien avec le journaliste Allain Bougrain-Dubourg, lui aussi défenseur de la cause animale. Il lui demande alors si elle n'a pas peur d'être oubliée. "La carrière (cinématographique), c'est une page tournée,répond l'artiste de but en blanc. Mais je ne me laisserai pas oublier parce que je mène un combat très difficile, très dur : (celui) de la défense animale. Sur ce combat, je crois qu'on me reverra encore souvent à la télévision pour défendre les animaux." Elle tiendra sa promesse durant des décennies avant de se rendre invisible sur le petit écran.
La vente aux enchères qu'elle organise le 17 juin 1987 lui permet de récolter les 3 millions de francs (plus de 45 000 euros) nécessaires à la création de la Fondation Brigitte Bardot. "T__ous les après-midi, je réponds à mon courrier, une centaine de lettres quotidiennes. Je travaille tous les jours, que ce soit mon anniversaire, Noël, le jour de l'An. Car les animaux ne peuvent pas attendre", indiquait-elle dans Vogue en 2021.
En 1996, Brigitte Bardot comparaît devant le tribunal de grande instance de Paris pour "provocation à la discrimination raciale". À l'origine de cette affaire, une tribune intitulée Mon cri de colère publiée dans Le Figaro le 26 avril 1996. Réclamant l'étourdissement des animaux qui sont sacrifiés pour la fête musulmane de l'Aïd el-Kebir, elle s'égare, comme elle le reconnaît elle-même.
"Et puis voilà que mon pays, la France, ma patrie, ma terre est de nouveau envahie, avec la bénédiction de nos gouvernements successifs, par une surpopulation étrangère, notamment musulmane, à laquelle nous faisons allégeance. De ce débordement islamique, nous devons subir à nos corps défendants, toutes les traditions", écrit-elle alors. "Je ne suis ni haineuse, ni raciste, je ne savais pas que ce que je disais était interdit, plaidera-t-elle à son procès, rapporte Libération. Mais ces méthodes d'abattage sont barbares. Il existe une loi en France imposant l'étourdissement des animaux avant leur mise à mort. Le gouvernement doit la faire respecter." Ce combat, elle le mène depuis les années 1960.
Le ton n'a jamais changé en dépit du fait que la justice lui inflige plusieurs amendes successives depuis 1997. En 2004, par exemple, son livre Un cri dans le silence (éditions du Rocher) lui vaut un nouveau procès. Elle s'en prend de nouveau aux musulmans dans l'ouvrage, épousant le discours du Front national, l'actuel Rassemblement national. Quatre ans plus tard, en 2008, une autre virulente sortie lui vaut d'être condamnée à une amende de 15 000 euros pour incitation à la haine envers la communauté musulmane.
Comme chaque année, au moment de l'Aïd, Brigitte Bardot dénonçait encore le 28 juin 2023 "la barbarie des sacrifices sanglants de (l'Aïd)" dont la France se rend "complice consentante des populations musulmanes", dans une nouvelle missive au président Macron.