Mort de Brigitte Bardot : une "serial loveuse", séductrice et passionnée
SOURCE:France Info
Amoureuse enflammée, Brigitte Bardot a multiplié les aventures ouvrant la voie à la libération sexuelle des femmes. Elle fut le fantasme absolu des hommes de sa génération.
Séductrice et sensuelle, Brigitte Bardot, morte à l'âge de 91 ans dimanche 28 décembre, s'est mariée quatre fois et a pris de nombreux amants. Les mauvaises langues l'ont souvent traitée de tous les noms, mais elle n'en avait cure. Cette amoureuse compulsive n'écoutait que son cœur, pour le meilleur et pour le pire.
Fille d'un riche industriel, Brigitte Bardot grandit dans la soie. Née dans le XVe arrondissement de Paris en 1934, elle reçoit une éducation bourgeoise. École catholique, cours de danse classique, strict respect des convenances. Sa mère, femme élégante et intelligente, lui montre peu d'affection. Ses parents rêvent pour elle d'un "beau mariage", dans son milieu. Un séducteur nommé Roger Vadim Plémiannikov va venir troubler le jeu.
Lorsqu'elle croise son regard pour la première fois, Brigitte n'a que 14 ans et demi. Lui en a 21. Vadim est alors assistant du réalisateur Marc Allégret. L'adolescente vient passer ses premiers essais pour le cinéma et il est chargé de lui donner la réplique.
Sur les images qui ont été conservées, on voit la toute jeune Brigitte Bardot minauder sous le regard de braise du grand brun. Les dialogues semblent prophétiques : "Je t'aime, mais je n'ai pas à supplier tes parents", dit Vadim. "C'est la première fois que tu me dis que tu m'aimes", susurre Brigitte.
Elle racontera plus tard l'avoir trouvé "sublime de beauté", "relax et décontracté", très différent des hommes qu'elle croisait jusque-là. Ce n'est pas un coup de foudre mais les deux jeunes gens se revoient et tombent amoureux. Elle sèche les cours pour le rejoindre et découvre dans ses bras les plaisirs de l'amour physique.
Quand ses parents découvrent cette liaison, ils sont fous de rage et lui demandent d'y mettre un terme. Brigitte tente alors de se suicider en ouvrant le gaz et en mettant sa tête dans le four. Elle n'a que 15 ans. Ses parents, acculés, acceptent de recevoir Roger Vadim dans leur maison et lui font promettre de préserver sa virginité jusqu'au mariage, c'est-à-dire jusqu'à ses 18 ans. Ils espèrent que d'ici là, les deux amoureux se seront lassés. Brigitte fait mine d'accepter mais continue à voir son bel amant en douce.
Brigitte Bardot épouse Roger Vadim, son premier mari, en 1952. (SUNDAY DISPATCH / ANL / SHU / SIPA / REX)
Trois ans après leur rencontre, ses parents rendent les armes et acceptent qu'elle l'épouse. Le mariage se déroule en décembre 1952, quelques jours avant Noël. Sur les photos, Brigitte apparaît radieuse et virginale dans une robe blanche fermée jusqu'au cou, la tête ornée d'un long voile.
Très vite, elle découvre qu'elle attend un enfant et part en Suisse, en cachette de son mari, pour subir un avortement, illégal à l'époque. À 19 ans, une autre grossesse non désirée et un nouvel avortement clandestin la conduiront à l'hôpital. Elle en gardera une peur et un rejet profond de la maternité. Brigitte multiplie alors les petits rôles au cinéma, en France et en Italie, mais sa carrière ne décolle pas. Jusqu'au jour où Vadim imagine pour Brigitte Bardot un rôle qui va bouleverser sa vie.
Il lui offre le rôle de Juliette dans Et Dieu créa la femme. Un scénario écrit pour elle, du sur-mesure qu'il va lui-même porter à l'écran. Ils tournent durant l'été 1956 à Saint-Tropez. Décors et lumière naturels, peu de maquillage, peu de répétitions, le film va dynamiter le cinéma de l'époque et les mœurs en vigueur.
Brigitte danse le mambo, diablement sensuelle dans son justaucorps noir et sa jupe verte, ouverte sur ses jambes nues. Le film leur vaudra une célébrité mondiale.
Mais il signera aussi la fin de leur amour. Brigitte, comme cela lui arrivera souvent par la suite, tombe amoureuse de son partenaire à l'écran : le beau Jean-Louis Trintignant.
La jeune actrice est un cœur d'artichaut. Derrière la caméra, Vadim voit naître l'idylle entre sa femme et son jeune premier de 25 ans. De moins en moins jouées, leurs scènes d'amour débordent de sensualité.
Dans ses mémoires, l'actrice confie avoir éprouvé pour le discret Jean-Louis une passion dévorante : "Il était tellement différent de moi. Tellement mieux que moi." Vadim est fou de jalousie mais il est contraint de se résigner pour ne pas compromettre la fin du tournage. Il expliquera plus tard joliment que Et Dieu créa la femme avait été leur enfant. Un enfant artistique.
À la fin du tournage, la rupture est consommée. Brigitte rentre à Paris avec son nouvel amant. Le couple s'installe dans le grand appartement qu'elle a acheté dans le très chic 16e arrondissement. Après Vadim le libertin, place à Jean-Louis le romantique. Ils vivent dans une bulle, fusionnels et heureux.
Jusqu'au jour où le jeune comédien est appelé pour faire ses classes pour la guerre d'Algérie. Elle vivra très mal cette séparation et leur belle histoire ne durera qu'un an. Elle racontera plus tard : "J'ai aimé Jean-Lou à la folie, je l'aimais comme je n'ai peut-être plus jamais aimé, mais je ne le savais pas, j'étais trop jeune."
Elle rencontre Gilbert Bécaud, surnommé Monsieur 100 000 volts, sur un plateau de télévision. Le chanteur, qui l'a invitée à participer à son show de fin d'année, se montre tactile et entreprenant. Elle succombe sous l'œil des caméras, le bécotant allègrement. Dans son livre paru en 1992, Initiales B.B, elle explique qu'il est "difficile de résister à Bécaud, il est tellement persuasif, il rit, il plaisante, il remercie avant même que vous ayez dit oui." Le chanteur est marié mais il la couvre de fleurs et de cadeaux et vient la retrouver la nuit dans son appartement. "Chacune de ses visites était une fête", écrit-elle.
Il compose aussi une chanson pour elle, la toute première : Croquemitoufle. Les journalistes ont vent de leur idylle et des articles pleins de sous-entendus paraissent alors dans la presse. Jean-Louis Trintignant, trompé comme l'avait été Vadim, choisit de s'éclipser. Elle le laissera faire ses valises, sans réagir.
Bécaud, lui, ne goûte guère cette publicité qui pourrait nuire à sa carrière. L'actrice passe de longues nuits à l'attendre, malheureuse dans le rôle de maîtresse soumise. Elle avale un soir des barbituriques. Alerté par sa voix bizarre au téléphone, le chanteur dépêche un médecin à son domicile qui la sauvera de justesse. Elle n'a que 24 ans et c'est déjà la deuxième fois qu'elle veut mourir pour un homme. Leur histoire reprend mais s'étiole. Elle choisira un soir de le quitter.
Comme si elle doutait de son pouvoir de séduction, BB aura toujours un besoin vital d'aimer et d'être aimée, d'avoir un homme dans sa vie et dans son lit. Après Bécaud, elle se console dans les bras d'un autre mari infidèle, l'acteur italien Raf Vallone. Une brève liaison suivie d'innombrables passades pour des hommes presque interchangeables aux allures de play-boys. Yves Bigot tentera d'en dresser la liste dans Brigitte Bardot, la femme la plus belle et la plus scandaleuse du monde écrivant qu'elle fut "cougar avant l'heure."
Il y aura un chanteur, sosie d'Alain Delon, Olivier Despax, un dentiste, Paul Albou (futur mari d'Arielle Dombasle), un play-boy italien, Gigi Rizzi, un apprenti comédien Patrick Gilles, un barman moniteur de ski, Christian Kalt, un champion de Formule 1, François Cevert et même le guitariste d'un groupe de légende, les Pink Floyd. Brigitte est un Don Juan en jupons. Sa liberté sexuelle et amoureuse titille la presse à scandale et fait ricaner.
Dans le documentaire de Virginie Linhart, Bardot amoureuse, diffusé sur France 3 en 2019_,_ on voit le journaliste Philippe Bouvard se moquer ouvertement de Laurent Vergez, un comédien qui fut aussi l'amant de BB. Avec une misogynie crasse, il lui demande s'il y a "une Amicale ou une association, sinon, vous auriez la carte de membre bien sûr".
BB a rencontré Sacha Distel dès 1956 sur le tournage de Et Dieu créa la femme. Il supervisait la bande-son pour les productions de son oncle, le musicien Ray Ventura. Ils se revoient à Saint-Tropez où elle a acheté en 1958 une jolie propriété en bord de mer, La Madrague. Il débarque parmi un groupe d'amis et lui fait la cour. Ce brun aux yeux verts a tout pour lui plaire. Surtout, il joue divinement de la guitare, instrument qu'elle adore.
Si elle n'apprécie guère ses chansons, elle admire en lui le musicien et le fait bénéficier de sa notoriété. Les journaux se régalent de leur joli couple. Mais Sacha Distel sera vite remplacé.
En 1959, sur le tournage de Babette s'en va-t-en guerre, une comédie de Christian Jaque, elle tombe une nouvelle fois amoureuse de son partenaire, un jeune premier nommé Jacques Charrier. Son nouvel amant est bien élevé et fils de colonel, ce qui plaît à ses parents. Entre eux, tout ira très vite, beaucoup trop vite. Moins d'un mois après leur rencontre, elle découvre qu'elle est enceinte. Elle ne veut pas d'enfant et envisage un nouvel avortement mais Jacques Charrier la convainc d'y renoncer. Elle accepte de l'épouser pour ne pas devenir mère célibataire, une tare à l'époque.
Son second mariage, le 18 juin 1959 à la mairie de Louveciennes, tourne à la foire d'empoigne tant les photographes sont nombreux et indélicats. Brigitte, une fois retombée la passion des premières semaines, redescend sur terre. Elle n'aime pas son nouvel époux et ne désire pas cet enfant. Entre eux, la violence s'installe. Elle fait une troisième tentative de suicide et vit sa grossesse comme un calvaire.
Dans son autobiographie, elle emploie ces mots dérangeants : "C'était comme une tumeur qui s'était nourrie de moi, que j'avais portée dans ma chair tuméfiée, n'attendant que le moment béni où l'on m'en débarrasserait enfin. Le cauchemar arrivé à son paroxysme, il fallait que j'assume à vie l'objet de mon malheur." La naissance de Nicolas, le 11 janvier 1960, ne sera en rien une délivrance.
Jacques Charrier a fait une tentative de suicide pour échapper au service militaire. Dépressif, il sort d'un hôpital psychiatrique. Brigitte est obligée de se retrancher, fenêtres et volets clos dans son appartement pour échapper aux paparazzi venus du monde entier voir "le bébé de BB_"._ Dans un reportage de "Cinq colonnes à la une" diffusé cinq jours plus tard, Jacques Charrier lui donne précautionneusement son fils. Elle multiplie les poses et les sourires factices, mais ne parviendra jamais à s'attacher à son enfant. "Je suis devenue mère exactement quand il ne le fallait pas, confia-t-elle dans un entretien télévisé en 1982. Je l'ai vécu comme un drame. Ça a fait deux malheureux : mon fils et moi." C'est Jacques Charrier qui élèvera Nicolas. Leur divorce sera prononcé en 1963.
Son nouvel amour est encore l'un de ses partenaires : le comédien Sami Frey qu'elle rencontre sur le tournage du film de Clouzot, La Vérité, quatre mois après la naissance de Nicolas_. "Un être rare, sensible, angoissé et érudit qui resta longtemps l'homme de ma vie",_ dira-t-elle.
Quand il est appelé pour faire son service militaire, elle se réfugie près de Menton, épuisée, et fait une nouvelle tentative de suicide. Elle échappe de peu à la mort. Sami, qui a réussi à se faire réformer, l'accompagne durant sa convalescence.
Sa vie amoureuse fait toujours les gros titres. À Rome, sur le tournage du film Vie privée avec Marcello Mastroianni, elle se fait insulter et même agresser. "Certains me traitaient de salope, d'ordure, d'autres m'adoraient", raconte-t-elle.
Elle vit toujours avec Sami mais entre eux, la routine s'est installée. Il l'accompagne à Capri sur le tournage du film de Godard, Le Mépris. Elle apparaît très dénudée mais pour une fois, ne tombe pas amoureuse de son partenaire, Michel Piccoli. Cet homme engagé à gauche n'est pas du tout son genre.
Elle aura en revanche une aventure avec le musicien brésilien Bob Zagury. Sami Frey l'apprend et, profondément meurtri, met un terme à leur histoire. Elle reconnaîtra avoir voulu le beurre et l'argent du beurre, autrement dit l'insouciance et une vraie relation.
Elle rencontre alors Gunter Sachs, 33 ans, un playboy richissime, héritier d'une dynastie bavaroise. Il a les moyens de ses ambitions. Comme dans les films, il loue un hélicoptère pour faire pleuvoir des centaines de roses sur La Madrague, lui offre des saphirs, des rubis et des diamants, les couleurs de la France.
Elle se laisse embarquer dans ce qu'elle qualifiera plus tard de "parenthèse la plus extravagante de toute mon existence". Après seulement 23 jours de relation, elle l'épouse dans une chapelle de Las Vegas, le 14 juillet 1965. Dès leur voyage de noces à Tahiti, elle est déçue par son attitude. Le jet-setteur la laisse seule pour partir rejoindre des amis.
Brigitte a trouvé plus volage qu'elle. Son troisième époux ne se gêne pas pour tromper la plus belle femme du monde. Le couple se voit rarement et se dispute souvent.
En 1968, Serge Gainsbourg fait une entrée fracassante dans sa vie. Le compositeur lui propose de venir chanter dans une émission de fin d'année dont il a la charge. Elle le convie un soir dans son appartement... il ne repartira plus. "C'était l'amour fou", dira-t-elle.
Oublié Gunther, Brigitte devient la muse du beau Serge. Ensemble, sur le plateau, ils chantent Bonnie and Clyde. Il composera pour elle des titres inoubliables : Harley Davidson, Comic Strip, Initials BB et surtout, Je t'aime moi non plus. Gunter Sachs qui est encore son mari lui interdira de chanter ce dernier titre, un hymne très éloquent à l'amour physique. Il l'oblige à quitter Serge. C'est finalement Jane Birkin qui interprétera la scandaleuse chanson.
Après son troisième divorce en 1969, Brigitte reprend son libertinage et enchaîne les aventures avec des hommes de passage, souvent plus jeunes qu'elle, dont elle se lasse rapidement. Dans Mon BBcédaire, livre paru le 1er octobre 2025, elle dit voir dans l'érotisme, des "jeux d'amour où tout est permis avec imagination, perversité trouble et coquinerie amoureuse".
En 1973, la star décide de changer radicalement de vie. Après un ultime film, L'Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise, elle met un clap de fin à sa carrière. Elle se consacre alors à son combat contre la maltraitance animale. Sa vie privée se fait plus discrète, sans doute parce qu'elle est moins exposée médiatiquement.
À 58 ans, lors d'un dîner à Saint-Tropez, elle rencontre Bernard d'Ormale, un industriel proche du Front national, ami de Jean-Marie Le Pen. "Un coup de foudre mutuel. Il sera mon mari pour le reste de ma vie", écrit-elle dans ses mémoires Initiales B.B. Beaucoup auront du mal a la croire.
Ils se marient, en toute discrétion, deux mois seulement après leur rencontre (on ne se refait pas...) dans une chapelle, en Norvège, pays où vit son fils, père de deux filles.
Brigitte Bardot et son dernier mari, Bernard d'Ormale, en 2002. (SIPA)
Vingt-huit ans plus tard, à l'heure du grand confinement dû à l'épidémie de coronavirus, Brigitte et Bernard étaient toujours ensemble. En septembre 2024, pour les 90 ans de BB, il confiait au micro de Sud Radio qu'elle était la femme de cœur la plus extraordinaire qu'il ait jamais rencontré, saluant son inlassable combat en faveur des animaux.
La serial loveuse du cinéma français avait enfin trouvé l'amour durable.