Noël : Face aux géants chinois du caviar, les Français tentent de veiller aux grains
En dix ans, les producteurs de caviar chinois ont conquis le marché mondial. Face à cette montée en puissance, certains Français nouent des partenariats entre eux tandis que d’autres font le choix d’alliés européens
La donne a changé rapidement. L’Europe, avec 200 des 600 tonnes de caviar produites au niveau mondial, reste le premier marché de consommation au monde. Mais, depuis dix ans environ, la Chine a acquis une position ultra-dominante sur la production de ce fameux or noir, en représentant quasi 90 % du caviar vendu en Europe
A coups de subventions colossales débloquées par les autorités, de grandes fermes piscicoles ont été construites pour y élever des espèces d’esturgeons à croissance rapide (cinq ans au lieu de dix pour les espèces européennes). Face à ce rude constat, certains producteurs français ont choisi de s’allier entre eux ou avec des producteurs européens.
Du caviar chinois à prix cassés
A l’intérieur de l’Europe, le premier marché de consommation c’est la France avec environ 70 tonnes dégustées annuellement. « C’est énorme, c’est le premier marché et de loin, commente Laurent Deverlanges, qui dirige la marque Caviar de Neuvic, implantée en Dordogne. On ne trouve pas normal la façon des Chinois d’aller vendre leur caviar chez nous, sans qu’on ait le droit d’aller le vendre chez eux. »
Parce qu’en Chine, ce produit relativement nouveau n’est pas vraiment prisé. Et quand il arrive sur le marché européen du gros, le caviar chinois est à prix cassé, soit 290 euros la tonne contre 450 euros la tonne pour du caviar européen à l’export.
En février 2025, une indication géographique protégée (IGP) a été décrochée par une association de producteurs aquitains. « L’IGP, pour moi ce sont des Aquitains qui se protègent des Français et du reste du monde, moi je pense que la bataille ne se joue pas à ce niveau-là mais au degré européen », analyse Laurent Deverlanges.
Repli sur soi ou alliance européenne ?
Les producteurs aquitains regroupés au sein de cette IGP ont une autre grille de lecture. Pour eux, il s’agit de « garantir une façon de travailler, qui correspond aux exigences en matière de responsabilité sociétale et environnementale, en termes d’origine, de traçabilité et de bien-être animal », explique Michel Berthommier, à la tête de l’Esturgeonnière, à la Teste-de-Buch, en Gironde. Autant de « valeurs » qui ont le mérite de peser dans l’esprit des Européens. Sur la question du prix, ils admettent qu’ils ne peuvent pas lutter quand les Chinois proposent leurs produits à des prix en deçà de leurs coûts de production. « Et l’Europe n’a pas décidé de nous aider là-dessus », lâche Michel Berthommier.
Le Caviar de Neuvic, qui élève de l’esturgeon osciètre, a fait le choix il y a plusieurs années de nouer des partenariats avec des producteurs italiens, bulgares et espagnols. « Entre nous, on a des structures, des compétences et des espèces qu’on peut mettre en commun, détaille Laurent Deverlanges. La ferme bulgare produit le meilleur Béluga du monde, l’espagnole le meilleur Naccari, et l’italienne, le meilleur Sevruga. » Le producteur espagnol réfléchit par exemple à recentrer son activité de fabrication sur Neuvic.